Établir un portrait de la consommation de drogues pour mieux agir

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Sarah Larney

Titulaire d'un doctorant de l’Université de New South Wales, en Australie, Sarah Larney est arrivée au CRCHUM en février 2020. Qu’est-ce qui l’a motivée à traverser le globe à l’aube de la pandémie de COVID-19? La perspective d’améliorer la vie des personnes qui consomment des drogues dures en tant que chercheuse au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’Université de Montréal.

La pandémie a durement touché les consommateurs de drogues, souvent marginalisés dans la société. Dans une étude publiée en août 2024 dans Drug and Alcohol Review, Sarah Larney et ses collègues, dont la médecin et chercheuse Julie Bruneau, ont analysé les décès accidentels survenus entre 2012 et 2021 et rapportés par le coroner comme étant dus à des opioïdes ou à des stimulants. Leurs conclusions : les taux de mortalité liés à la drogue ont augmenté considérablement au Québec et au Canada au cours des dernières années, atteignant un sommet en 2020. Cette étude a également permis de mettre en lumière la présence accrue de fentanyl et des nouveaux opioïdes de synthèse parmi les cas de surdose enregistrés au Québec depuis 2020.

Ses travaux visent également à redéfinir le concept de surdose au Canada. « Par exemple, parler de "crise" appelle à des réactions rapides, alors que nous avons plutôt besoin de réformes profondes, comme la déstigmatisation des consommateurs de drogues, une réforme des politiques sociales et de celles sur les drogues », explique-t-elle.

Réduire les infections et adapter les interventions

L’incidence d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) constitue un autre enjeu central des recherches du laboratoire de Sarah Larney. Par exemple, son équipe et elle ont publié les résultats d’une importante étude sur les différences liées au sexe et au genre chez les personnes infectées par l’hépatite C qui s’injectent des drogues. Elle y aborde entre autres l’accès aux traitements et l’exposition aux risques, des enjeux qui doivent être intégrés aux stratégies d’intervention afin d’atteindre les objectifs de l’OMS, c’est-à-dire diviser par 10 le nombre d’infections d’ici 2030.

La réémergence de la syphilis étant devenue un problème de santé publique majeur, Sarah Larney se penche également sur l’épidémiologie de cette ITSS chez les personnes s’injectant des drogues. Puisque ces dernières ne font pas partie des groupes pour lesquels un dépistage est recommandé, elle souhaite notamment évaluer sa prévalence et son incidence afin de déterminer si l’élaboration de nouvelles recommandations s’impose.

Elle collabore aussi à la création d’une cohorte de femmes qui consomment des drogues au Québec et ailleurs au Canada, avec la Dre Valérie Martel-Laferrière, du Département de microbiologie, infectiologie et immunologie. Il s’agirait de la première au Canada. Leur objectif est de mieux comprendre leurs besoins en matière de santé sexuelle, de résilience et autres, et d’ainsi formuler des recommandations pour adapter les interventions auprès d’elles.

L’expertise de la chercheuse l’a menée à coorganiser la dernière édition de la conférence annuelle de l’International Society for the Study of Drug Policy, en collaboration avec son collègue David Décary-Hétu, directeur adjoint du Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal. L’événement, qui a eu lieu du 19 au 21 juin 2024, au CHUM, a réuni des chercheurs, des représentants des gouvernements provinciaux, canadien et fédéral, ainsi que des gens de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Au service du bien-être collectif

Passionnée par la justice sociale et le bien-être des personnes, Sarah Larney espère que ses recherches aideront les décideurs à réformer la réglementation actuelle sur la consommation de drogues, en se basant sur la dangerosité réelle des substances.

« Au cours de la prochaine année, je vais continuer de travailler sur l’épidémiologie et le volet social des surdoses au Québec et au Canada, pour tenter de réduire leur nombre. Avec la hausse du coût du logement, l’accroissement de la pauvreté et les changements dans le marché des drogues — plus de fentanyl et de substances plus puissantes –, il faut vraiment accroître le financement et le soutien préventif. »
 



Faits marquants de l’axe Carrefour de l'innovation et de l'évaluation en santé

Avril 2024

Line Beaudet, chercheuse, reçoit le Prix reconnaissance 2024 des membres du groupe de recherche sur la maladie de Parkinson et des syndromes apparentés de la Faculté de médecine de l’UdeM.

Mai 2024

Le Fonds de recherche du Québec en santé (FRQS) octroie des bourses totalisant plus de 500 000 $ à nos chercheurs : Dre Géraldine Layani, Dr François Martin Carrier, Dr Michaël Chassé et Dre Madeleine Durand.

L’organisme décerne également le statut de « chercheur clinicien chevronné » au Dr Jean-Charles Pasquier, soulignant ainsi sa carrière exceptionnelle.

Juillet 2024

Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) octroient des subventions totalisant 1,7 M$ au Dr Antoine Boivin et à Ghislaine Rouly, à la Dre Emmanuelle Duceppe, à Vikki Ho et au Dr Jean-Charles Pasquier.

Août 2024

Vikki Ho, chercheuse, reçoit une subvention de 200 000 $ de la Société canadienne du cancer.

Octobre 2024

La chercheuse José Côté est intronisée à titre de Fellow à l’Académie canadienne des sciences infirmières.

Décembre 2024

La Dre Marie-Pascale Pomey reçoit 200 000 $ de l’Institut de recherche Terry Fox pour mener un projet conçu par et pour des patients atteints de cancer.

Février 2025

La Dre Nathalie Auger obtient un financement de 447 524 $ des IRSC pour une étude sur la mortalité maternelle.

Dans la revue The Lancet Gastroenterology & Hepatology, Adelina Artenie et ses anciens collègues de l’Université de Bristol caractérisent pour la première fois l’ampleur et la distribution mondiale de l’hépatite C.

La chercheuse Gabrielle Pagé reçoit le Prix début de carrière 2025 de la Société canadienne de la douleur.

Mars 2025

Une étude menée par Srividya N. Iyer et le Dr Ashok Malla, en collaboration avec la Dre Amal Abdel Baki et Shalini Lal, chercheuses au CRCHUM, et publiée dans JAMA Psychiatry conclut qu’une nouvelle approche permettrait aux jeunes d’obtenir plus rapidement de l’aide en santé mentale.

 

Ce texte est tiré de notre rapport d'activités 2024-2025

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