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L’audace de quatre chercheuses récompensée

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Neila Mezgahni, Gabrielle Pagé ainsi que les Dres Nathalie Bureau et Marie-Chantal Fortin ont obtenu une subvention de 100 000 $ dans le cadre du programme Audace 2020-2021 des Fonds de recherche du Québec (FRQ).

Sur les 16 projets récompensés au Québec, quatre sont menés par des chercheuses du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et leurs équipes. Tour d’horizon de ces projets gagnants.

Des sous-vêtements connectés contre l’incontinence urinaire

Chercheuse principale : Neila Mezghani

Au Canada, environ 10 % de la population est touchée par une forme d’incontinence urinaire, perte involontaire d’urine qui peut s’avérer stigmatisante socialement. De récentes études montrent que 16 % des hommes et 33 % des femmes de plus de 40 ans ont des symptômes d’incontinence. Pourtant, seulement 26 % en ont parlé à un médecin.

Avec son projet « Des sous-vêtements connectés pour remédier à l’incontinence urinaire : vivre en dignité et en autonomie », Neila Mezghani s’attaquera au sujet sous deux angles. Pour les personnes affectées par l’incontinence par regorgement, elle concevra un sous-vêtement sur lequel s’insérera un discret capteur d’ultrasons. Ce dispositif mesurera tout au long de la journée le volume d’urine dans la vessie et avertira le patient (ou ses aidants) dès que sa vessie a atteint un seuil de remplissage prédéfini.

Dans le cas de personnes présentant des incapacités physiques ou cognitives, le sous-vêtement sera muni d’un capteur d’humidité afin de notifier en cas d’incontinence urinaire le personnel soignant d’un centre d’hébergement par exemple, et de permettre la localisation du résident concerné. De quoi optimiser l’intervention des soignants auprès des patients, et, par exemple, l’utilisation de couches jetables (aspects économique et écologique).

L’équipe, dirigée par Neila Mezghani, combine de solides expertises en design de vêtements, sciences des matériaux et intelligence artificielle.

« Je suis très impatiente de commencer ce projet avec cette équipe talentueuse et aussi très contente d’avoir pu intégrer à notre projet Vestechpro, un centre collégial de transfert de technologies (CCTT) affilié au Cégep Marie-Victorin. Sa directrice, Paulette Kaci, est très impliquée », rappelle la chercheuse. Et ce n’est pas un hasard.

La confection de sous-vêtements, dont le design sera proche de celui d’un sous-vêtement classique, permettra aux personnes incontinentes de se sentir plus à l’aise et de retrouver liberté et dignité. En les avertissant au bon moment, ce sous-vêtement technologique encouragera ces personnes à maintenir leurs activités quotidiennes et améliorera leur qualité de vie.

Deux industriels sont d’ores et déjà intéressés par des partenariats : La vie en rose, détaillant canadien de lingerie, et Enovacom, une filiale de l’opérateur français Orange, pour les aspects de sécurité informatique et d’interopérabilité des systèmes.

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Mieux diagnostiquer la lombalgie chronique

Chercheuse principale : Dre Nathalie Bureau

Codirecteur : Guy Cloutier

Au cours de leur vie, 80 % des Québécois souffriront au minimum d’un épisode de lombalgie et 23 % souffriront de lombalgie chronique invalidante. Dans la majorité des cas, les médecins ne parviennent pas à déterminer la cause de la douleur par des examens d’imagerie conventionnelle, que ce soit le scan ou la résonance magnétique.

Pour soulager leurs douleurs, les patients se tournent donc de plus en plus vers des thérapies de médecine alternative et complémentaire : acupuncture, ostéopathie, chiropraxie, etc. Des thérapies qui ciblent principalement des zones douloureuses, situées dans les tissus et les muscles du dos. L’assouplissement de ces tissus anormalement durs permet de contrôler la douleur, bien que les mécanismes d’action soient encore inconnus.

Dans son projet, la Dre Nathalie Bureau entend bien imager la douleur. Comment? En concevant une technique d’imagerie ultrasonore non invasive pour diagnostiquer avec plus de précision la cause de la lombalgie. Avec l’appui de Guy Cloutier, elle déterminera le rôle que jouent les muscles et le tissu conjonctif, appelé fascia, dans la genèse de la douleur lombalgique. Pourvu de récepteurs de la douleur, le fascia est une enveloppe de tissu conjonctif lié aux muscles et présent dans tout le corps humain.

Dans leur laboratoire, ils pourront utiliser leurs propres techniques d’ultrasons pour mesurer la viscoélasticité, la mobilité, l’inflammation et les propriétés structurelles des tissus. Et ce, dans un but précis : caractériser les transformations du fascia associées à la douleur lombalgique. Leur approche leur permettra aussi de déterminer les effets sur ces mêmes tissus de traitements de chiropraxie, d’acupuncture et d’ostéopathie.

En fin de compte, ils espèrent optimiser les traitements existants et identifier des marqueurs ultrasonores pouvant servir de cibles. Cela permettrait de concevoir de nouveaux traitements (injections, thérapie manuelle) plus spécifiques et plus efficaces pour traiter la lombalgie.

« Nous sommes très reconnaissants envers le programme AUDACE pour l’octroi de cette subvention et enthousiastes à l’idée de mettre à profit un partenariat intersectoriel unique afin de réaliser ce projet ambitieux et prometteur! », dit la Dre Nathalie Bureau.

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Mention spéciale : Guy Cloutier est aussi codirecteur du projet « Les fascias pelviens — la découverte d’un nouvel acteur impliqué dans les douleurs vulvaires? » mené par Mélanie Morin, chercheuse à l’Université de Sherbrooke.

Une application mobile pour gérer la douleur

Chercheuse principale : Gabrielle Pagé

Codirecteur : Jinghui Cheng, Polytechnique Montréal

À la suite d’une opération chirurgicale, bien des patients doivent apprendre à composer avec la douleur. Une fois à la maison, ils ont parfois de la difficulté à la gérer et à la contrôler. Une application mobile, développée par l’équipe de Gabrielle Pagé et de Jinghui Cheng (Polytechnique Montréal), pourrait bien leur faciliter la tâche.

Installé sur un téléphone intelligent, ce système détectera, en temps réel, les émotions de l’utilisateur et son état mental (l’anxiété ou la dépression par exemple). Comment? En récoltant entre autres des informations telles que des enregistrements de voix, des mouvements captés par le biais de l’accéléromètre du téléphone ou encore des données d’utilisation.

Après analyse et traitement des informations, l’application suggérera aux patients des moyens personnalisés et adaptés à leur état pour autogérer leur douleur. Pour être efficace et transformer l’expérience de l’utilisateur/patient, l’application s’appuiera sur des stratégies associées habituellement au domaine du jeu. Cette méthode, appelée ludification ou gamification en anglais, est utilisée dans de nombreux logiciels de remise en forme ou de prévention en santé.

Très heureuse d’avoir obtenu une subvention AUDACE, l’équipe, composée de chercheurs, de cliniciens et d’un patient partenaire, souhaite ainsi limiter chez les patients l’usage prolongé d’opioïdes pour gérer la douleur après une chirurgie, et minimiser les risques de développer une dépendance.

À terme, un tel outil technologique optimisera le suivi des patients lors de leur retour à la maison, et pourrait être proposé par le service de transition postopératoire du CHUM.

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Raconter et transcender son histoire de transplanté

Chercheuse principale : Dre Marie-Chantal Fortin

Codirecteur — Codirectrice : Simon Harel et Catherine Mavrikakis (Université de Montréal)

Pour les patients et leurs familles, la transplantation vient avec son lot de défis médicaux, psychologiques, voire existentiels. Pour mieux y faire face, les expériences vécues par d’autres patients peuvent aider. En ce sens, le récit de leur parcours, ou récit de soi, est une façon originale de recueillir leurs perspectives. Une façon aussi pour eux de se réapproprier leur cheminement en tant que transplantés et de mieux se comprendre.

Pour son projet, la Dre Marie-Chantal Fortin s’est entourée de Simon Harel et Catherine Mavrikakis, deux professeurs au Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal. Ensemble, ils recueilleront les récits de patients et de professionnels de la santé autour de la transplantation. Puis, ils feront intervenir des écrivains et des artistes pour transformer et transcender ces histoires de vie en explorant des thèmes littéraires comme la science-fiction par exemple.

Mis à disposition de tous sur une plateforme Web d’ici un an environ, ces « récits de soi » permettront de préparer les patients à la transplantation et les aideront à mieux vivre avec leurs greffes. Les ateliers d’écriture commenceront dès l’automne 2020.

« Je suis très enthousiaste à l’idée de commencer ce projet avec cette formidable équipe. Grâce à une subvention de la chaire McConnell, nous avions déjà amorcé le travail avec des transplantés rénaux. La subvention Audace nous permet d’étendre notre action à d’autres types de transplantés », explique la Dre Fortin.

On le sait : la maladie va au-delà des seules données médicales. L’humanité a sa place dans la médecine moderne. Composante des sciences humaines, la médecine narrative joue ainsi un rôle important dans l’autogestion et l’autonomisation des patients.

Des études de plus petite échelle misant sur les récits de soi en ont déjà fait leur preuve, que ce soit au niveau de l’hypertension chez les Afro-Américains ou de l’oncologie pédiatrique. Celle de la Dre Fortin ne devrait pas faire exception.

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