Recherche en contexte autochtone : repenser nos responsabilités et nos pratiques

- 3 min
Annie Pullen Sansfaçon (UdeM), Nyanyui Siliadin (conseiller EDI, CRCHUM), et Karine Millaire (UdeM)

Annie Pullen Sansfaçon (UdeM), Nyanyui Siliadin (conseiller EDI, CRCHUM), et Karine Millaire (UdeM)

Le 5 novembre, Karine Millaire, professeure en droit autochtone à l’Université de Montréal (UdeM), et Annie Pullen Sansfaçon, vice-rectrice adjointe aux Premiers Peuples à l’UdeM, ont proposé une conférence marquante sur les responsabilités éthiques et juridiques de la recherche menée avec les communautés autochtones.

Devant un auditoire de 70 personnes de la communauté scientifique, leur message était clair : mener une recherche respectueuse exige de repenser nos pratiques de recherche, nos cadres normatifs et nos rapports aux savoirs.

Organisée par le comité Équité, Diversité et Inclusion du CRCHUM, cette rencontre a permis notamment de mettre en lumière les droits des peuples autochtones à la gouvernance des données, à la sécurité culturelle et à l’autodétermination.

Dans ce contexte, les conférencières ont rappelé un point fondamental : la recherche universitaire a longtemps été menée « sur » les Premiers Peuples, souvent à leur détriment.

Valoriser les savoirs

Cette approche extractive, marquée par des pratiques coloniales et ethnocentristes, a laissé des traces profondes, notamment une méfiance encore palpable envers les institutions de recherche.

Or, une transformation s’amorce. Depuis les années 1990, un virage s’opère vers une approche plus collaborative, fondée sur l’engagement des communautés dès les premières étapes du processus scientifique.

Les savoirs autochtones et leur valorisation devraient être au cœur de ce processus, et trouvent leurs assises notamment dans l’article 24 de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

« La recherche ne peut être décolonisée si les peuples autochtones ne peuvent pas établir leurs propres priorités et diriger leurs propres recherches », rappelait Karine Millaire en citant un rapport du gouvernement canadien.

Une posture éthique et décoloniale

Ce changement de paradigme s’accompagne de nombreux défis à relever : éthique, méthodologie, représentation, réciprocité et sécurisation culturelle. Les modèles de financement et de gouvernance universitaire renforcent les déséquilibres de pouvoir.

La sécurisation culturelle, inspirée du Principe de Joyce et de travaux néo-zélandais, vise à transformer les institutions pour qu’elles protègent pleinement les droits, besoins et identités des personnes autochtones.

Elle va au-delà de la simple sensibilisation culturelle et invite à déconstruire les rapports de pouvoir, la discrimination et les effets du colonialisme.

« L’éthique décoloniale impose de remettre en question les modes de pensée et de construire des relations fondées sur d’autres compréhensions du monde », a souligné Annie Pullen Sansfaçon.

Cette posture exige une participation significative — et non instrumentale — des communautés, au plus haut niveau possible, tout au long du processus de recherche.

« Cela prend aussi une humilité intellectuelle, et culturelle. »

Une recherche respectueuse et équitable

En pratique, cela se traduit notamment par l’importance du consentement préalable, libre, éclairé, contextualisé et continu.

Karine Millaire a également souligné la nécessité de respecter les principes PCAP (propriété, contrôle, accès, possession) en matière de gouvernance des données. Ces principes, développés par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, reconnaissent un véritable droit de gouvernance sur les savoirs et les données.

En guise de conclusion, les deux conférencières ont offert aux personnes présentes une citation forte et inspirante de Lucien St-Onge, Innu : « Le chercheur doit être un NUITSHEUMA, un covoyageur, un compagnon dans l’action, celui qui soutient l’autre. »

Une invitation à marcher côte à côte, dans le respect des savoirs vivants et des priorités des communautés.

 

Cette conférence s’inscrivait dans le cycle Recherche en santé autochtone et dans le prolongement de la Semaine de la Vérité et de la Réconciliation.

Elle a été suivie d’une période d’échanges entre les équipes de recherche et les conférencières sur la mise en application de pratiques exemplaires, que ce soit en contexte d’enseignement ou de recherche en santé.

 

Recherche en contexte autochtone : repenser nos responsabilités et nos pratiques