Une molécule ouvre une brèche dans le VIH et donne accès à ses réservoirs

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Andrés Finzi et Jonathan Richard

Andrés Finzi et Jonathan Richard

Une équipe internationale, dirigée par deux chercheurs du CRCHUM, met en évidence la capacité d’une molécule à ouvrir la « carapace » du VIH, améliorant ainsi l’élimination de cellules infectées.

Dans une étude publiée dans Nature Communications, Jonathan Richard et Andrés Finzi montrent comment un nouveau mimétique moléculaire du récepteur CD4, nommé CJF-III-288, modifie la structure de l’enveloppe du VIH de façon inédite, et entraîne une réponse immunitaire plus efficace.

Cette molécule, semblable à la protéine CD4 permettant au virus de pénétrer dans les cellules, se lie au VIH et le force à exposer ses vulnérabilités au système immunitaire.

« Contrairement aux mimétiques précédents, CJF-III-288 agit à faible dose sur plusieurs souches primaires du VIH. Il permet à des anticorps spécifiques, les anti-CoRBS, de déclencher une réponse cytotoxique connue sous le nom de cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC) », explique le virologue Jonathan Richard, associé de recherche dans le laboratoire d’Andrés Finzi et copremier auteur de l’étude.

Le mécanisme ADCC est l’un des moyens du système immunitaire pour éliminer les cellules infectées.

« Jusqu’ici, ces anticorps étaient inefficaces sans l’aide d’un mimétique CD4 et d’autres anticorps appelés anti-cluster A », dit Andrés Finzi, professeur de virologie à l’Université de Montréal. « C’est la première fois que l’on démontre que les anticorps anti-CoRBS peuvent agir seuls en combinaison avec un mimétique de CD4. »

Pour les personnes vivant avec le VIH, cette approche pourrait constituer un pas décisif en réduisant les réservoirs viraux, ces cellules dormantes du virus qui échappent aux traitements actuels et empêchent la guérison complète.

Une flexibilité virale inégalée

« Le mimétique CJF-III-288 est plus efficace que tous ceux synthétisés jusqu’à maintenant. Il ouvre l’enveloppe virale de manière asymétrique et la rend plus souple. C’est ce qui fait la différence! », souligne Andrés Finzi.

« Cette souplesse structurelle permet aux anticorps anti-CoRBS de se présenter avec différents angles d’attaque, facilitant le recrutement des cellules NK, chargées d’éliminer les cellules infectées. »

« En présence du CJF-III-288, c’est précisément cette flexibilité qui redonne leur efficacité à ces anticorps auparavant inactifs », explique Jonathan Richard.

Les résultats de cette étude sont le fruit d’une collaboration étroite entre l’équipe montréalaise et plusieurs équipes américaines.

On y retrouve des expertises variées en modélisation animale (Priti Kumar, Université de Yale), en chimie (Amos B. Smith III, Université de Pennsylvanie), en cryomicroscopie électronique (Marzena Pazgier, Uniformed Services University; Walther Mothes, Université Yale) et en visualisation en temps réel de glycoprotéines (James Munro, Université du Massachusetts).

Frein au rebond viral

Dans leur étude, l’équipe du CRCHUM a d’abord démontré l’efficacité du nouveau mimétique sur des échantillons de plasma de personnes vivant avec le VIH.

Pour aller plus loin, les chercheurs ont testé la molécule en combinaison avec un anti-CoRBS sur des souris humanisées, dont le système immunitaire reproduit celui de l’humain. Résultat : après l’arrêt de la thérapie antirétroviralw, le traitement a significativement retardé la réapparition du virus.

Concrètement, il a fallu trois fois plus de temps pour que le virus réapparaisse. Le VIH réapparaît entre 13 et 17 jours après l’interruption du traitement, contre seulement 5 jours chez les souris témoins.

« Ce retard dans le rebond viral indique que la taille des réservoirs viraux a considérablement diminué », explique Andrés Finzi.

Toujours au stade préclinique, cette avancée scientifique ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à éliminer les cellules infectées et à réduire la dépendance au traitement à vie.

Andrés Finzi et Jonathan Richard envisagent maintenant de combiner le mimétique CJF-III-288 à des cocktails d’anticorps, et de tester son efficacité sur des primates non humains.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2024, environ 41 millions de personnes vivaient avec le virus du sida, et 1,3 million de nouvelles infections au VIH ont été détectées.


Rédaction : Bruno Geoffroy

À propos de cette étude 

« The asymmetric opening of HIV-1 Env by a potent CD4 mimetic enables anti-coreceptor binding site antibodies to mediate ADCC » par Jonathan Richard et ses collègues sous la supervision d’Andrés Finzi, a été publié en ligne le 1er décembre 2025 dans la revue Nature Communications.

Ces travaux de recherche ont été financés par le Fonds de recherche du Québec-Santé, les Instituts de recherche en santé du Canada, les National Institutes of Health et la Fondation canadienne pour l’innovation. Ils ont été appuyés par les équipes de la plateforme de niveau de confinement 3 et de la plateforme de cytométrie.

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Recherche, VIH