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Impact de la crise des opioïdes au Québec et en Colombie-Britannique

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Les résultats d’un sondage, mené auprès de 1404 patients du Québec et de la Colombie-Britannique, tendent à démontrer que la « crise des opioïdes », abondamment traitée par les médias au cours des dernières années, a produit un impact important dans la vie de personnes souffrant de douleur chronique non cancéreuse. Environ 20 % de la population canadienne en souffre.

Une équipe du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM), dirigée par Manon Choinière, Ph. D., en collaboration avec des chercheurs des universités McGill, Laval et de Sherbrooke, s’est penchée sur la question et présente aujourd’hui son rapport lors de l’assemblée annuelle de l’Association québécoise de la douleur chronique (AQDC).

Les mesures restrictives et la mécompréhension du grand public découlant de la « crise des opioïdes » ont pu avoir des conséquences négatives auprès des souffrants chroniques. Rappelons qu’entre 1992 et 2010, les prescriptions d'opioïdes ont plus que doublé aux États-Unis. Le Canada est le 2e pays au monde après les États-Unis où il se prescrit le plus d'opioïdes. Parallèlement, on a assisté à une escalade considérable des cas de décès par surdose d’opioïdes et d’utilisation inadéquate de ce type de médicaments (ex. : abus, addiction, vente sur le marché noir, etc.). Pour enrayer cette crise, des lignes directrices visant à limiter les prescriptions d’opioïdes ont été publiées par les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis en 2016. Peu après, ces directives ont été adoptées par les collèges des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse. En 2017, des lignes directrices relativement similaires étaient publiées dans le Canadian Medical Association Journal. De son côté, le Collège des médecins du Québec est actuellement à réviser ses lignes directrices émises en 2009.

Méthodologie

Le sondage s’est tenu en ligne entre les mois de janvier et d’avril 2018. Les questions portaient, en autres, sur les opinions des patients, leurs inquiétudes et leurs difficultés d’accès à un traitement à base d’opioïdes.

« Au total, 1404 patients ont répondu à notre questionnaire parmi lesquels 1097 étaient issus du Québec et 307 de la Colombie-Britannique. Les participants du Québec, majoritairement des femmes (78 %), étaient âgés en moyenne de 50 ans et la moitié d’entre eux souffraient de douleur depuis au moins 12 ans, notamment de maux de dos chroniques, d’arthrose et de douleur neuropathique », précise Jean-Luc Kaboré, doctorant au CRCHUM et au Département de pharmacologie de l’Université de Montréal.

Parmi les participants du Québec, 551 prenaient des opioïdes, 149 avaient cessé d’en prendre au cours de la dernière année et 397 n’en avaient pas utilisé. Parmi les utilisateurs actuels d’opioïdes, 19 % ont vu leur dose réduite entre 2010 et 2018 pour diverses raisons, dont la diminution de la douleur et les effets secondaires indésirables, etc.

Un pourcentage minime d’utilisateurs d’opioïdes (2 %) ont essuyé un refus de la pharmacie de leur délivrer leur prescription ou ont rapporté que leur compagnie d’assurance a refusé de rembourser leur prescription au cours des 12 derniers mois.

Données comparatives entre le Québec et la Colombie-Britannique

Pour effectuer les comparaisons des résultats entre le Québec et la Colombie-Britannique, l’équipe de recherche a sélectionné 294 participants de chaque province dont le profil était comparable en termes d’âge, de sexe et de durée de la douleur. Environ 1 patient sur 4 en Colombie-Britannique (26 %) s’est vu proposer par son médecin de cesser ses opioïdes contre 14 % au Québec, cette différence étant statistiquement significative.

« Parmi ceux qui ont vu leur prescription d’opioïdes interrompues au cours des 12 derniers mois, 19 % des patients de Colombie-Britannique n’étaient pas d’accord avec cette interruption, comparativement à seulement 5 % au Québec, cette différence étant elle aussi statistiquement significative », estime Manon Choinière Ph. D., chercheuse au CRCHUM.

Le pourcentage de patients qui n’avaient pas utilisé d’opioïdes au cours de la dernière année était significativement plus élevé au Québec (37 %) qu’en Colombie-Britannique (25 %), ce qui est consistant avec le fait que le Québec est la province canadienne où il se prescrit le moins d’opioïdes en termes de dosage.

Concernant les inquiétudes des participants, on note une peur de dépendance plus présente au Québec où 20 % des utilisateurs actuels d’opioïdes craignent de devenir des « drogués » par rapport à seulement 7 % en Colombie-Britannique.

Enfin, les participants de la Colombie-Britannique comme ceux du Québec s’entendent pour dire que la couverture média de la crise des opioïdes donne une très mauvaise image des personnes qui prennent des opioïdes pour contrer leur douleur chronique (score moyen = 7,6/10 où 0 = une image extrêmement bonne, 10 = une image extrêmement mauvaise).

Conclusion

« Même s’il semble que la crise des opioïdes ait eu un impact plus important en Colombie-Britannique qu’au Québec, il nous apparaît essentiel de poursuivre notre mission universitaire qui consiste à promouvoir la santé des populations, en recherche et en enseignement. Nous nous proposons de diffuser les résultats de notre sondage à grande échelle au Québec et ailleurs au Canada afin de sensibiliser les professionnels de la santé, les décideurs, les personnes qui souffrent de douleur chronique non cancéreuse et le grand public. Nous comptons aussi sur la participation des cliniques universitaires de douleur, d’organismes comme l’Association québécoise de la douleur chronique et l’organisation Pain BC en Colombie-Britannique, des médecins traitants et autres professionnels de la santé, des professeurs associés aux différents secteurs de la santé et, bien entendu, sur les médias pour être des relayeurs d’information. Il faut éviter de basculer vers le jugement des patients et le traitement inadéquat de la douleur chronique. Bien que les opioïdes doivent être utilisés avec circonspection et en combinaison avec d’autres types de modalité thérapeutique, beaucoup de préjugés persistent à l’égard de ce type de médicament, ce qui contribue à catégoriser de façon indue les souffrants chroniques. Une certaine proportion de ces derniers peut bénéficier des opioïdes et être ainsi capable de fonctionner au quotidien », conclut la chercheuse du CRCHUM, Manon Choinière.

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