Conférences grand public : notre horloge biologique dicte notre état de santé

Et si notre santé dépendait de l’heure à laquelle nous vivons… et dormons ? Deux conférences publiques, tenues le 25 mai 2025 au CHUM, ont permis à environ 70 personnes présentes de mieux comprendre l’impact profond des rythmes biologiques sur notre bien-être.
Elles étaient présentées dans le cadre du congrès canadien Chronobiologie : de la cellule à la médecine et à la société, organisé par les chercheuses du Centre de recherche du CHUM, Valérie Mongrain, responsable de l’axe Neurosciences et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physiologie moléculaire du sommeil, ainsi que Petronela Ancuta, membre de l’axe Immunopathologie.
Près de 150 étudiantes, étudiants, partenaires et spécialistes nationaux et internationaux en rythmes biologiques, santé, psychiatrie et neurosciences, se sont rassemblés pour cet événement national parrainé par la Société canadienne de chronobiologie et soutenu par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Réseau sommeil, le Consortium canadien de recherche sur le sommeil et la Society for Research on Biological Rhythms.
Mieux vivre avec des horaires atypiques
Comment concilier santé et horaires décalés ? Cette question, au cœur de la conférence animée par la Dre Diane Boivin (Université McGill) et Annie Vallières (Université Laval), s’adressait tout autant aux travailleurs de nuit qu’aux couche-tard chroniques.
Le sommeil, rappellent les chercheuses, est un processus actif, essentiel à la récupération physique et mentale. La plupart d’entre nous avons besoin de 7 à 9 heures de sommeil par jour, une quantité de sommeil qui n’a pas besoin d’être prise d’un seul bloc.
Pourtant, notre horloge biologique — cette horloge maîtresse située dans le cerveau qui rythme les horloges des autres organes — n’est pas conçue pour des horaires irréguliers et peut se dérégler. En temps normal, elle se synchronise au travers de l’exposition à la lumière naturelle et nous permet de rester sur le bon fuseau horaire.
« Le rythme de notre horloge biologique ne s’ajuste pas tant que ça, même chez des personnes avec un horaire régulier de nuit, par exemple. Selon les plus grandes études, 25 % des personnes parviennent à s’y adapter réellement. Il y a aussi des différences individuelles liées à l’âge ou au sexe, par exemple », dit la Dre Diane Boivin.
Résultat : fatigue, troubles digestifs, dépression, maladies cardiovasculaires et risques accrus d’accidents.
Mais tout n’est pas perdu. Annie Vallières a partagé quelques conseils concrets pour mieux dormir malgré des horaires atypiques :
- Prioriser ces périodes de sommeil, en minimisant le bruit et avec le soutien de ses proches ;
- Rester actif après l’éveil ;
- Éviter le café et les stimulants au moins quatre à cinq heures avant le coucher ;
- Dormir à heures fixes et dans le noir (heures régulières de coucher et de lever le plus possible) ;
- En cas d’insomnie, sortir du lit, rester dans le noir et retourner au lit en cas de somnolence ou après 15 minutes ;
- Éviter les écrans dans le lit et dans l’heure précédant le coucher.
Changement d’heure : simple ajustement ou danger pour la santé publique ?
Dans sa conférence percutante, le chercheur néerlandais Roelof Hut (Université de Groningen) a plaidé pour l’abolition de l’heure d’été (Daylight Saving Time, ou DST).
Le cœur du problème : la dissociation croissante entre l’heure sociale, celle de nos montres, et l’heure biologique.
« Nos corps s’alignent sur la lumière solaire, pas sur les horloges murales. Or, le passage à l’heure d’été accentue ce décalage, en particulier chez les adolescents et les personnes à chronotype tardif. L’heure d’été ne correspond ni plus ni moins qu’à l’adoption d’un mauvais fuseau horaire », dit-il.
La littérature scientifique est claire sur les conséquences d’un tel « jet lag social » chronique : il est associé à un risque accru de dépression, de troubles métaboliques et de mauvais résultats scolaires.
Le chercheur s’appuie sur des données scientifiques internationales et des études longitudinales pour appuyer la thèse selon laquelle la suppression du changement d’heure permettrait de respecter davantage les rythmes naturels et d’améliorer la santé collective.
À l’instar de plusieurs sociétés savantes et de spécialistes de renommée internationale, il milite pour un retour à l’heure solaire permanente, en accord avec notre biologie.
Et si on remettait nos vies à l’heure juste ?
Les recherches présentées lors de ces deux conférences publiques nous rappellent une chose essentielle : notre corps fonctionne à son propre rythme, et tenter de le forcer à suivre celui de la société a des conséquences réelles sur notre santé.
En comprenant mieux notre horloge biologique, nous avons le pouvoir d’agir.
Individuellement, cela peut commencer dès ce soir : réduire l’exposition à la lumière bleue, dormir à des heures régulières, et accorder de la valeur à notre repos.
Collectivement, cela suppose de repenser nos horaires de travail, nos politiques publiques — et surtout le changement d’heure.
La science est claire : mieux respecter nos rythmes naturels, c’est investir dans une société plus en santé. Et si nous étions les prochains à faire ce pas, pour nous-mêmes et pour les générations à venir?
Conférences grand public : notre horloge biologique dicte notre état de santé
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