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Le microbiote intestinal, un allié contre le cancer

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Meriem Messaoudene

Arpenteuse et défricheuse de terres scientifiques peu explorées. Meriem Messaoudene a les voyages chevillés au corps. Une passion géographique qui l’a menée d’un continent à l’autre. Sur ses itinéraires émaillés de sagesse, elle a pu compter sur quelques boussoles… humaines.

Pour voyager loin, il faut se préparer. Au mieux. Ses bagages, l’actuelle postdoctorante les a faits aux côtés de sommités mondiales de l’immuno-oncologie comme la Dre Laurence Zitvogel. Après son baccalauréat en immunologie et en biochimie en Algérie, la jeune femme prend les chemins de traverse : direction Paris en France. Elle y complétera une maîtrise, un doctorat avant de pousser les portes du laboratoire de la Dre Zitvogel à l’Institut Gustave Roussy.

« Laurence demeure une vraie mentore pour moi. J’ai eu la chance de faire mon premier postdoctorat sous sa supervision. C’est une passionnée reconnue mondialement pour ces travaux sur le microbiote et le cancer », explique-t-elle.

Dans cette équipe parisienne, elle rencontrera un jeune médecin chercheur : le Dr Bertrand Routy, avec qui elle mettra sur pied le laboratoire d’immunothérapie et d’oncomicrobiome du Centre de recherche du CHUM.

Réveiller le système immunitaire

En 2018, grâce une publication dans Science, l’épopée du duo scientifique démarrait sous les meilleurs auspices. À l’époque, les deux scientifiques montrent que le microbiote intestinal, composé de milliards de bactéries, influe sur l’efficacité des immunothérapies, des traitements capables de réveiller le système immunitaire pour qu’il lutte contre le cancer.

« Dès le départ, nous avions l’envie de développer cet axe-là, l’envie d’aller plus loin pour améliorer les traitements offerts aux patients, leur survie et leur qualité de vie. »

En janvier  2018, leur laboratoire s’implante au 12e étage du centre de recherche et démarre avec l’énergie ambitieuse de deux personnes, la sienne et celle du Dr Routy. 

Aujourd’hui, 12 personnes forment l’équipe qui vise à transformer un microbiome « mauvais » en un microbiome sain pour contrecarrer les plans du cancer. Plusieurs approches sont envisageables : réduire la dysbiose induite par les antibiotiques, jouer sur l’alimentation, offrir des prébiotiques ou des probiotiques pour augmenter l’efficacité de l’immunothérapie.

Une baie brésilienne en renfort 

Depuis un an, leur équipe tente même de déterminer si une greffe fécale modifiant le microbiote intestinal pourrait rehausser l’efficacité de l’immunothérapie visant le mélanome métastatique ou le cancer du poumon non à petites cellules. En ligne de mire? L’augmentation de l’espérance de vie de patients cancéreux.

C’est une première au Canada qui permettra d’identifier les « bonnes » bactéries pour augmenter l’efficacité de l’immunothérapie.

 En parallèle, au début de 2022, nous avons aussi montré pour la première fois sur des souris que la castalagine, un polyphénol issu d’une baie brésilienne de camu-camu, agit comme prébiotique, modifie le microbiome intestinal et améliore la réponse à l’immunothérapie. 

Le fruit amazonien était déjà reconnu pour ses effets protecteurs contre l’obésité et le diabète. Il l’est désormais pour ses bienfaits anticancéreux, et ce, même pour les cancers résistants à l’immunothérapie. Du moins sur un modèle animal.

Ces résultats prometteurs ouvrent la voie à des essais cliniques qui utiliseront la castalagine en complément de médicaments, appelés inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, chez les patients atteints de cancer.

D’un sommet à l’autre 

Meriem Messaoudene se voit bien évoluer quelques années encore au centre de recherche, le temps de voir le fruit de ses recherches arriver en clinique.

« Je crois que notre progression n’aurait pas été si rapide si nous n’avions pas été soutenus dès le départ par le CRCHUM, que ce soit entre autres par la direction ou par les personnes œuvrant aux plateformes. En ce sens, l’expertise exceptionnelle du personnel de l’animalerie nous a permis de mettre sur pied des souris “germ-free”, essentielles pour la poursuite de nos projets. »

En juin, la chercheuse s’est d’ailleurs rendue à Vienne pour présenter ses travaux à la Fondation Seerave, un organisme philanthropique qui financera pendant deux ans la suite de ses travaux sur la castalgine afin de mieux comprendre son impact sur les bactéries.

Si ses projets de recherche la passionnent toujours autant, elle n’en oublie pas pour autant de voyager pour le plaisir. Elle prévoit d’ailleurs de tutoyer prochainement les nuages au sommet du Kilimandjaro en Afrique. « La vie est courte », rappelle-t-elle.

Le microbiote intestinal, un allié contre le cancer