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Les dessous de la consommation de cannabis

- 4 min
Annie Pelekanakis

Étudier à l’université ouvre le champ de possibles parfois insoupçonnés. Annie Pelekanakis voulait devenir médecin. Une fois son baccalauréat en physiologie en poche, elle se réoriente. Elle se lance en santé publique avec une certitude : elle préfère œuvrer en prévention auprès de la population plutôt que de prescrire gélules et comprimés.

Après sa maîtrise en santé publique à l’Université de Montréal, codirigée par les chercheuses Jennifer O’Loughlin et Isabelle Doré du Carrefour de l’innovation, Annie Pelekanakis choisit de s’intéresser pour son doctorat aux liens entre la consommation de substances et la santé mentale.  

Sous la supervision de Marie-Pierre Sylvestre, une autre chercheuse du Centre de recherche du CHUM, elle abordera ce volet en interrogeant la cohorte NDIT ‒ The Nicotine Dependence in Teens ‒ constituée entre 1999 et 2000 par Jennifer O’Loughlin. 

Au total, près de 1300 jeunes adultes, recrutés à l’âge de 12-13 ans entre 1999 et 2000 dans 10 écoles secondaires de la région de Montréal, composent l’échantillon. Depuis plus de 20 ans, ces personnes sont questionnées à intervalles réguliers sur leur consommation de cannabis, d’alcool ou de cigarettes. 

Une collecte unique au Canada 

« Depuis deux ans, notre questionnaire est disponible en ligne. C’est plus facile pour les personnes participantes. Dans ce cycle de collecte de données auquel je participe, nous nous concentrons sur l’aspect cannabis. » 

Jusqu’ici, aucune étude n’a permis de recueillir de telles informations — encore moins dans la population canadienne — la cohorte NDIT étant assez unique au niveau mondial. 

« L’objectif principal est de déterminer les raisons pour lesquelles les jeunes adultes consomment du cannabis et d’identifier les facteurs de risques. Il faut dire que la littérature scientifique existante s’est beaucoup plus concentrée sur les adolescents. » 

Après 20 ans, 800 personnes participantes répondent en moyenne à chaque nouveau questionnaire. Annie Pelekanakis espère qu’il en sera ainsi encore cette fois-ci. Cela permettra entre autres de poursuivre d’autres études longitudinales amorcées il y a quelques années. 

 On veut aussi étudier comment la consommation de cannabis est reliée à des troubles d’anxiété, de dépression ou des problèmes de sommeil. Il y a vraiment la volonté de comprendre la façon dont ils vont gérer leurs symptômes.  

Pandémie sans impact 

Avec Marie-Pierre Sylvestre et Jennifer O’Loughlin, la jeune chercheuse a eu la chance d’entrevoir la portée d’une étude longitudinale menée avec la cohorte NDIT.  

Les deux chercheuses se sont intéressées, avant et pendant la pandémie, aux différences dans la fréquence d’utilisation de substances psychoactives, dont l’alcool, le cannabis et la nicotine (cigarettes classiques et électroniques) chez les jeunes adultes de 24 à 33 ans.  

Ce groupe est considéré par la littérature scientifique récente comme le plus touché par l’anxiété et par la détresse psychologique.  

Jusqu’ici, aucune étude n’avait permis de collecter de telles données, encore moins dans la population canadienne. 

Dans leurs travaux publiés dans The Lancet Regional Health ‒ Americas, elles montrent que la consommation hebdomadaire ou quotidienne de substances psychoactives a été plutôt stable.  

Des résultats loin des discours de certains médias qui contribuaient à véhiculer l’idée qu’isolement social, difficultés financières et détresse psychologique causent, en temps de pandémie, une augmentation spectaculaire de la consommation de substances psychoactives. 

Mieux protéger la santé mentale 

Si la collecte de données actuelles l’intéresse, elle avoue qu’elle adore les analyser. 

« Explorer les données et comprendre ce qu’elles ont à dire : c’est ce qui me passionne. Participer activement à la collecte d’informations me permet d’apporter des nuances dans l’interprétation des données. L’un ne va donc pas sans l’autre », rappelle-t-elle. 

En filigrane de son projet de recherche, elle espère pouvoir identifier les interventions à mettre en place ou à construire pour contrecarrer les troubles de santé mentale en recrudescence chez les jeunes adultes, notamment l’anxiété et la dépression. Cela pourrait se faire par des programmes offerts au niveau des écoles par exemple. 

 Je crois que nous avons un rôle important de conseil en matière de prévention à jouer auprès d’instances comme le ministère de la Santé.  

L’idée de recommander les meilleures pratiques et de transmettre des connaissances basées sur la science revient souvent dans le discours d’Annie Pelekanakis qui se verrait bien œuvrer comme chercheuse universitaire. Au Canada ou ailleurs. 

Les dessous de la consommation de cannabis