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La radiomique pour prédire les risques de récidive

- 4 min
Marion tonneau

À 5 ans, Marion Tonneau le sait : elle sera pédiatre. Enfant, elle soigne déjà ses proches à coup de prescriptions de Smarties, bien rangés dans sa mallette de docteure. Depuis, les bonbons ont été remplacés : la petite fille est devenue médecin et s’est prise de passion pour l’intelligence artificielle.

La Dre Tonneau aurait pu terminer sa spécialisation en médecine à Lille en France. L’envie de sortir de sa zone de confort l’a poussée jusqu’à Montréal. Des retrouvailles avec une métropole qu’elle avait découverte en juillet 2017 lors d’un stage en anesthésie à l’hôpital Notre-Dame.

Dans ses bagages cette fois-ci, une bourse de la Fondation Nuovo-Soldati pour la recherche en cancérologie destinée aux jeunes médecins. Actuelle résidente en radio-oncologie, elle foule le sol du centre de recherche en février 2021 en plein confinement lié à la pandémie de COVID-19. Rien pour entamer sa bonne humeur.

Aujourd’hui, elle travaille avec l’équipe de la Dre Houda Bahig sur un projet d’intelligence artificielle en radiothérapie pulmonaire, qui été financé en 2022 sur trois ans par les Instituts de recherche en santé du Canada.

Une histoire d’imagerie et de données massives 

Depuis quelques années, l’imagerie médicale subit une révolution sans précédent : la radiomique. Son objectif? Mieux caractériser les tumeurs en analysant, extrayant et exploitant à grande échelle des données provenant d’images prises lors d’examens classiques.

L’idée ici est de parvenir à déceler dans des images des informations qui ne sont pas visibles à l’œil nu, et donc inaccessibles à un médecin.

« Grâce à la radiomique, j’espère prédire le risque de récidive locale chez des patients atteints du cancer du poumon non à petites cellules à un stade localisé, c’est-à-dire qu’ils ne présentent pas de métastases et que leurs ganglions ne sont pas affectés. » 

Ces patients auront été traités préalablement par radiothérapie stéréotaxique, un traitement qui consiste à diriger avec une extrême précision une multitude de très petits rayons à haute énergie vers la zone à traiter.

Sur le papier, son projet de recherche semble simple. La réalité est tout autre.

Une préparation colossale 

Pour réussir à déterminer une signature radiomique, il faut concevoir et entraîner un algorithme de prédiction à analyser des images de tumeur prises par un scanneur et à en extraire de façon automatisée une information d’ordre biologique pertinente pour l’équipe médicale.

« Dans notre cas, nous travaillons avec une base de données cliniques de 1000 patients traités au CHUM. Pour commencer, nous avons extrait des dossiers médicaux tous les scans de planification à la radiothérapie pris avant traitement. Ces scans servent à paramétrer la machine pour délivrer la bonne dose de rayons, aux bons endroits et en minimisant la toxicité. » 

Dans le cadre de la radiothérapie stéréotaxique pour le cancer du poumon, les patients bénéficient d’un « scan 4D ». Dans ce cas, ils respirent normalement pour déterminer la position de leur tumeur à traiter en fonction du cycle respiratoire.

« Nous allons utiliser ces “scans 4D”, déjà annotés par les cliniciens, afin d’extraire les caractéristiques radiomiques de la tumeur pour prédire les risques de récidive. Il faut savoir qu’un “scan 4D” est constitué d’environ 10 images par patient. Avec 1000 patients, cela nous fait une très grande quantité de données à analyser! » 

Faire parler les données 

Une fois cette étape d’analyse faite, la Dre Tonneau et ses collègues associeront les caractéristiques radiomiques aux données cliniques connues de chaque patient pour définir leur algorithme de prédiction.

« Comme nous travaillons de façon rétrospective, nous savons déjà quel patient a récidivé ou non, et à quel moment. À présent, l’idée est de tester notre modèle prédictif sur une cohorte indépendante dans un autre centre hospitalier. » 

Dans quelques années, la jeune chercheuse espère pouvoir déterminer le profil du patient à risque de récidive, modifier la stratégie thérapeutique en conséquence et optimiser les traitements.

Travailler dans la radiomique, un secteur émergent de l’intelligence artificielle la motive au quotidien, elle qui n’y connaissait rien avant d’arriver à Montréal.

 J’ai adoré travailler ici. Mon expérience au centre de recherche a confirmé que j’avais envie de mener une carrière de clinicienne et de chercheuse. Je trouve cela tellement stimulant intellectuellement. 

Avant de se lancer corps et âme dans cette aventure, la Dre Tonneau devra terminer sa résidence à Lille, un retour dans l’Hexagone pour deux ans. Son souhait? Continuer le projet au travers d’une collaboration France-Québec, et pourquoi pas, revenir un jour à Montréal.

La radiomique pour prédire les risques de récidive