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Bien plus qu’une question de poids

- 4 min
Nakajima Shingo

L’air songeur et pince-sans-rire, Shingo Nakajima l’avoue de but en blanc : il se serait bien vu vétérinaire. Au Japon. Un rêve d’enfant tokyoïte qui a bifurqué en cours de chemin, jusqu’à croiser celui de Stephanie Fulton, chercheuse au sein de l’axe Cardiométabolique.

Depuis octobre 2019, il fait partie de son équipe et explore la neurobiologie de l’alimentation, de l’obésité et des troubles de l’humeur. Un aller simple Japon-Québec pas évident a priori.

Cette avenue de recherche intéressait le jeune chercheur depuis l’obtention de son doctorat en nutrition à l’Université d’Hokkaido. Au National Center of Neurology and Psychiatry de Tokyo, il se concentrera pendant plus de trois années postdoctorales sur les interactions entre cerveau et nutriments.

L’impulsion pour quitter le pays arrivera sous la forme d’une bourse de la Japan Society for the Promotion of Science. Cette aide financière encourage les meilleurs jeunes scientifiques japonais à mener des recherches dans une institution de recherche étrangère.

Montréal, le voilà!

Le cerveau a ses humeurs 

« Dans le laboratoire de Stephanie, je m’intéresse à la façon dont le régime alimentaire modifie l’humeur et les comportements. Par exemple, nous pouvons observer des comportements d’anxiété et de dépression chez nos modèles de souris obèses », explique-t-il.

Chez les personnes obèses, les risques de souffrir de dépression ou d’anxiété sont plus élevés que dans la population générale. Ces problèmes de santé mentale sont le résultat d’une combinaison de facteurs : mauvaise alimentation, inactivité physique et accumulation de cellules graisseuses. Mais l’obésité seule ne peut engendrer ces comportements anxieux et dépressifs. Loin de là.

À la fin de l’année 2021, Shingo Nakajima et Stephanie Fulton rappelaient dans une revue scientifique que des dysfonctionnements métaboliques, notamment l’inflammation, la résistance à l’insuline ou à la leptine, l’hormone contrôlant l’appétit, sont des éléments clés dans la manifestation de troubles anxiodépressifs chez ces personnes.

 La consommation excessive de graisses saturées comme l’huile de palme et de sucre favorise l’apparition de ces changements métaboliques. Dans le cerveau, ce type de diète riche provoque une inflammation suffisante pour modifier les circuits neuronaux responsables du contrôle de l’humeur, de la motivation et des émotions. 

Faire résonner nutrition et santé mentale 

Les troubles anxiodépressifs des personnes obèses sont en fait plus liés à ce type de déficiences métaboliques qu’au poids corporel lui-même. Et ce, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Pour Shingo Nakajima, l’objectif est limpide : parvenir à faire rimer métabolisme et santé mentale.

« L’alimentation n’est pas un médicament qui met fin ponctuellement à une maladie. Par contre, c’est un pilier indispensable pour maintenir à long terme les êtres humains en bonne santé physique et mentale. »

Avec ses recherches, il espère ouvrir la porte à de nouvelles thérapies en cernant comment la motivation et les comportements anxiodépressifs peuvent être influencés par la nutrition et les hormones. Car oui, dans l’équation, le sexe est une variable non négligeable.

La femme n’est pas un homme comme les autres 

Des différences notables ont déjà été observées entre souris femelles et mâles, notamment au travers de récents travaux de recherche fondamentale menés dans le laboratoire de Stephanie Fulton.

En recherche psychiatrique, l’utilisation de modèles animaux femelles reste encore limitée. Pourtant, l’incidence de la dépression et des troubles anxieux est nettement plus élevée chez les femmes que chez les hommes.

Depuis, la chercheuse et son équipe défrichent ce terrain encore sous-exploité : comprendre les mécanismes neurométaboliques spécifiques aux femmes.

À l’orée de cette nouvelle ère de recherche, Shingo Nakajima prendra un chemin de traverse. Non pas qu’il regrette son choix d’être venu au Centre de recherche du CHUM, il y a tout aimé.

Mais, à la fin de son stage postdoctoral en 2023, il retournera au Japon avec sa famille et s’y installera comme chercheur et professeur. Quant à la réalisation de son rêve d’enfant, un retour dans son pays natal l’inspirera peut-être. Qui sait?

De tous horizons

  • + de 20 langues parlées au CRCHUM (français et anglais compris) 
  • + de 35 % des personnes de la communauté CRCHUM nées à l’extérieur du pays

Une bonne représentation féminine

  • Environ 60 % d’étudiantes en deuxième et troisième cycles 
  • Près de 50 % en stage postdoctoral

Bien plus qu’une question de poids