Cancer de la prostate : se parler des vraies affaires, entre gars

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Les fondateurs du Groupe de soutien du cancer de la prostate du CHUM, lors de la Soirée d’information sur le cancer de la prostate 2019 : le Dr Fred Saad, chef du service d’urologie (CHUM), professeur titulaire de chirurgie et titulaire de la chaire Raymond Garneau en cancer de la prostate (UdeM), et Claude Chicoine, patient.

« Un cancer, c’est une perte de contrôle, un plongeon dans l’inconnu. Qu’est-ce qui m’arrive et, surtout, où est-ce que je m’en vais? J’avais besoin de comprendre ce qu’était ce fléau. » Lorsque Serge Garon reçoit un diagnostic de cancer de la prostate, en 2015, il se tourne vers le Groupe de soutien du cancer de la prostate du CHUM. Il y obtient, certes, des réponses à ses questions. Mais il y trouve, surtout, d’autres gars aux prises avec un cancer de la prostate. Des gars qui sortent de l’isolement pour se parler des vraies affaires et s’entraider moralement.

Deux fondateurs, une mission

En 1998, Claude Chicoine recevait lui aussi un diagnostic de cancer de la prostate. Il rejoignait ainsi les rangs des quelque 64 Canadiens à qui l’on annonce, chaque jour, qu’ils en sont atteints. Le diagnostic peut en effrayer plus d’un. Ce cancer arrive en troisième place dans les facteurs de mortalité chez les hommes. Son urologue, le Dr Fred Saad, lui offre toute son attention pendant les rendez-vous médicaux, mais une fois rentré chez lui, Claude Chicoine réalise qu’il voudrait encore plus de soutien. Pour lui et pour les autres hommes souffrant du cancer de la prostate. L’accès à l’information sur la maladie n’est pas simple à cette époque où moins du quart des Canadiens ont l’Internet à la maison*. Aucun groupe francophone de soutien du cancer de la prostate n’existe alors sur l’île de Montréal.

Claude Chicoine forge alors le projet de le mettre sur pied lui-même, ce groupe de soutien. Il en parle au Dr Saad, qui lui rappelle toute la persévérance qu’une telle aventure exige. « Mais j’ai la tête dure, s’amuse Claude Chicoine, et il y avait un besoin, donc je me suis lancé. »

Le Dr Saad se souvient de sa conversation avec Claude Chicoine comme si elle avait eu lieu hier. Pour le spécialiste, le contact humain avec d’autres hommes vivant une situation similaire est essentiel : « Les patients ont besoin de parler à d’autres personnes qui ont vécu une expérience semblable à la leur pour s’y retrouver. » Il décide donc d’épauler son patient dans ses démarches.

Ils déterminent vite la mission du groupe de soutien : apporter un soutien moral aux personnes atteintes du cancer de la prostate et à leurs proches. Leur vision porte fruit, puisqu’au moment d’écrire ces lignes, ce sont 266 hommes qui profitent des nombreuses ressources du groupe, en plus des visiteurs de son site Web.

Un soutien aux multiples facettes

Au début, ils s’associent à d’autres programmes, puis choisissent de faire leur propre groupe. Au fil des années, ils développent, en collaboration avec d’autres bénévoles (patients, spécialistes, etc.) et des partenaires (dont la Fondation Virage du CHUM, l’Institut du cancer de Montréal et des départements du CHUM), toute une panoplie d’activités et de services gratuits.

Des bénévoles offrent un soutien téléphonique personnalisé à tout patient, suivi au CHUM ou pas, qui cherche de l’aide. Le site Web du groupe, mis sur pied et maintenu par des bénévoles, offre de l’information sur le cancer de la prostate. On y retrouve d’ailleurs la version intégrale du livre Comprendre le cancer de la prostate, coécrit par le Dr Saad et dont plus de 300 000 exemplaires ont été vendus à ce jour.

De plus, le groupe offre une dizaine d’ateliers d’information par année. Ces rencontres permettent aux patients (et à leurs conjointes, de plus en plus nombreuses à ces rendez-vous) de s’informer et de poser leurs questions, sans pudeur, à des professionnels de la santé – en salle ou, depuis la pandémie de COVID-19, en virtuel. Quant à la Soirée d’information sur le cancer de la prostate, elle est devenue, en cinq ans, un événement incontournable sur le sujet. L’édition 2020, virtuelle elle aussi en cette pandémie de COVID-19, a rejoint plus de 2500 internautes sur la page Facebook du CHUM. Chacune des activités du groupe vise à briser l’isolement et à informer adéquatement.

À chaque appel, chaque rencontre, on ressent la même chose. On dit aux gens : posez-nous vos questions, puis la pression baisse. Les gens se mettent à regarder vers le futur. — Claude Chicoine, patient et fondateur du Groupe de soutien du cancer de la prostate

Pourquoi un groupe, quand Internet a réponse à (presque) tout?

Sur Internet, on trouve de tout maintenant : des livres, des forums, des articles… Mais on peut aussi s’y perdre facilement. « C’est le fouillis sur Internet! », s’exclame le Dr Saad. On y découvre autant de l’information de qualité que de l’information qui l’est moins, tempère-t-il en faisant le parallèle avec la belle-sœur qui a entendu dire par son cousin que… « D’ailleurs, ajoute-t-il, j’espère que ceux qui viennent aux rencontres vont écouter ce qui s’y dit, au lieu d’écouter leurs chums ». Chaque cas étant différent, rappelle le spécialiste, c’est important d’obtenir de l’information personnalisée. Serge Garon abonde dans le même sens : « Tout le côté technique de mon cancer, je peux vous en parler en long et en large. Mais toi, Garon, ce que tu vois sur Internet, c’est peut-être pas tout à fait ça que tu as et tu devrais peut-être en parler pendant la prochaine rencontre! »

À travers ses activités et, particulièrement, par les rencontres de soutien, le groupe aide les participants à mieux comprendre leur situation. Ici, pas de fake news. On brise des mythes. On donne l’heure juste sur les questions qui tourmentent – sur les risques de perdre sa virilité ou de devenir incontinent, par exemple. On parle aussi de la recherche et des traitements, qui ont grandement évolué depuis les années 90. Le tout, en étant réaliste face à ce cancer qui cause, chaque année, environ 4000 décès au Canada.

Il y a un climat de confiance et de respect dans les ateliers. Tu vois que d’autres ont passé à travers ça et c’est sécurisant. Après avoir reçu de l’aide, tu peux en donner aussi. Tu n’es pas isolé. — Serge Garon, patient

Des fondateurs qui visent la pérennité du groupe

Lise Pettigrew, chef du Service de bénévolat, d’animation et loisirs du CHUM, auquel le groupe est rattaché, ne tarit pas d’éloges envers les fondateurs. Pour elle, le succès que connaît le groupe leur revient en grande partie. « Ils sont disponibles, accessibles, et ont à cœur la pérennité du groupe. »

Elle souligne la grande rigueur, le sens de l’organisation, et l’écoute extraordinaire de Claude Chicoine. Celui qu’elle décrit comme un bénévole exceptionnel (il fut un temps où il consacrait 700 heures par année au groupe de soutien!) n’a pas voulu qu’on présente sa candidature pour un prix d’engagement bénévole au printemps 2020, préférant s’investir dans l’ombre…

Quant au Dr Saad, dit-elle, il a toujours un mot pour encourager et motiver le groupe. Malgré un horaire qui reflète sa réputation mondiale de spécialiste, ajoute-t-elle, il réussit toujours à trouver le temps pour répondre aux besoins de ses patients et du groupe de soutien. « Vous n’avez pas idée, renchérit Claude Chicoine, du temps que le Dr Saad a donné au groupe! »

Une relève pointe à l’horizon du côté des bénévoles. Elle permettra peut-être à Claude Chicoine de prendre un peu plus de temps pour lui et sa conjointe, dont le soutien, souligne-t-il, a été indéfectible au cours des années.

Le mot de la fin aux fondateurs

S’il n’y avait qu’une chose à retenir sur le groupe de soutien, Monsieur Chicoine et Dr Saad, qu’est-ce que ce serait?

Le Dr Saad taquine son complice : « Juste de voir quelqu’un comme Claude et se dire : ‘C’est ça que ça a l’air après 20 ans? C’est pas si pire!’ C’est très aidant. » Reprenant son sérieux, il explique que si, à travers ses activités, les patients comprennent et vivent leur cancer un peu plus sereinement, le groupe aura atteint son objectif.

Claude Chicoine, lui, a de toute évidence décidé d’être heureux et actif malgré son cancer. Et c’est son message aux gars qui reçoivent un diagnostic de cancer de la prostate. « Le but du groupe, mon but, c’est que les hommes puissent se prendre en main. Il y a une vie après le cancer de la prostate. »

* Selon un rapport de Statistiques Canada

Pour plus d’information

  • Visitez le site Internet du Groupe de soutien du cancer de la prostate : https://soutienprostatechum.org/. Besoin d’aide ou d’information? Laissez un message au 514 890-8000, poste 24619, et un bénévole vous rappellera.
  • Comment ça se passe, une rencontre au Groupe de soutien du cancer de la prostate? Bruno Geoffroy, communicateur scientifique du Centre de recherche du CHUM, signe Les yeux dans les yeux… de la maladie, un article révélateur.
  • Articles récents : une entrevue avec le Dr Fred Saad sur ses plus récentes études, publiées dans le New England Journal of Medicine, et une entrevue avec la Dre Cynthia Ménard sur ce qu’elle entend réaliser avec la subvention de près de 3 M$ octroyée récemment par la Société canadienne du cancer et de la Fondation Movember.
  • Revoyez l’édition 2020 de la Soirée d’information sur le cancer de la prostate avec, en prime, deux capsules d’information sur des sujets reliés, la sexologie et la kinésiologie.
Dr Fred Saad et Michelle brisebois

Cancer de la prostate : se parler des vraies affaires, entre gars